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Ève & Marie, ou la salvation par la femme

Frithjof Schuon, indiennes

Il importe ... de remarquer que la femme, considérée par le Christianisme comme le support par excellence de la tentation et du péché, est pourtant spiritualisée dans la personne de la sainte Vierge, mère du Verbe dispensateur de la Vie ; si Ève, issue d'Adam, symbolise la chute, la sainte Vierge, dont le Christ est issu, symbolisera la victoire sur le serpent.

Dans l'Islam la femme n'est point considérée sous son aspect maléfique, puisqu'elle n'intervient pas dans la chute d'Adam ; c'est Iblîs seul qui fait tomber le premier couple et le chasse du Paradis terrestre. Dans la conception de Jannah, le "Jardin" ou le Paradis, la femme est spiritualisée, non en vertu d'une fonction exceptionnelle analogue à celle de la "Corédemptrice", mais simplement en tant qu'instrument d'amour, sous la forme des Hûris, "Celles aux yeux de gazelle" ; du reste l'iconographie chrétienne traditionnelle représente presque toujours les anges sous des traits féminins. Il serait facile de citer d'autres exemples, de nature très diverse, du symbolisme béatifique de la femme, entre autres : Sîtâ et Râdhâ ; la déesse Kâlî dans la bhakti de Shrî Râmakrishna ; les femmes de David, Salomon, Mohammed ; les dames des chevaliers, telle que Béatrice dans la vie et l'oeuvre de Dante. L'Oeil du coeur, p. 126, note 1.

Sans doute l'explication profonde des mythes de la femme "pécheresse", prisonnière"des puissances chtoniennes, "ravie" par un démon, "engloutie" par la terre, devenue "infernale", - Ève, Eurydice, Sîtâ, Izanami, suivant le cas, - sans doute cette explication se trouve-t-elle dans la scission entre le démiurge mâle et le démiurge femelle, ou entre le centre et la périphérie du cosmos ; cette périphérie étant envisagée alors, non comme la substance cosmique en soi, laquelle reste vierge par rapport à ses productions, mais comme l'ensemble de ces dernières ; car ce sont les accidents, non la substance, qui comportent le "mal" sous toutes ses formes. Mais outre que la substance reste vierge tout en étant mère, elle se rachète sur le plan même de son extériorisation, et cela, par ses contenus positifs, en principe sacramentels et salvateurs ; symboliquement parlant, si la "femme" s'est perdue en choisissant la "matière" ou le "monde", elle s'est rachetée - et se rachète - en donnant naissance à l'Avatâra... C'est-à-dire que l'élément féminin - la Substance - est par définition un miroir de l'Essence, en dépit de sa fonction extériorisante et éloignante ; du reste, un miroir est forcément séparé de ce qu'il reflète, et c'est là son ambiguïté. Résumé de métaphysique intégrale, p. 29-30.

Frithjof Schuon

... on pourra faire valoir autant qu'on voudra que le péché d'Ève fut d'appeler Adam à l'aventure de l'extériorité, on ne peut oublier que la fonction de Marie fut inverse et que cette fonction elle aussi entre dans la possibilité de l'esprit féminin. Toutefois, la mission spirituelle de la femme ne se combinera jamais avec une révolte contre l'homme...

Prétendre que la femme sainte est devenue un homme du fait de sa sainteté, revient à la présenter comme un être dénaturé : en réalité la femme sainte ne peut être telle que sur la base de sa parfaite féminité, sans quoi Dieu se serait trompé en créant la femme, - quod absit, - alors que selon la Genèse elle fut dans l'intention de Dieu "une aide semblable à l'homme"; donc, premièrement une "aide", non un obstacle, et deuxièmement une créature "semblable", non-infra-humaine ; pour être agréée de Dieu, elle n'a pas à cesser d'être ce qu'elle est.(1)

(1) Ave gratia plena, dit l'ange à Marie. "Pleine de grâce": ce qui tranche la question, étant donné que Marie est une femme. L'ange ne dit pas ave Maria, car pour lui gratia plena est le nom qu'il donne à la Vierge ; ce qui revient à dire que Maria est synonyme de gratia plena.

La clef du mystère de la salvation par la femme, ou par la féminité si l'on préfère, est dans la nature même de Mâyâ : si la Mâyâ peut attirer vers le dehors, elle peut attirer également vers le dedans. Ève est la Vie, et c'est la Mâyâ manifestante ; Marie est la Grâce, et c'est la Mâyâ réintégrante. Ève personnifie le démiurge, sous son aspect de féminité ; Marie est la personnification de la Shekhinah, de la Présence à la fois virginale et maternelle. La Vie, étant amorale, peut être immorale ; la Grâce, étant pure substance, peut résorber tous les accidents. Ésotérisme comme principe et comme voie, p. 138-139.

Frithjof Schuon, indiennes

... Rûmi estime, avec finesse et profondeur et non sans humour, que le sage est vaincu par la femme tandis que le sot la vainc : car celui-ci est abruti par sa passion et il ignore la barakah de l'amour et les sentiments délicats, tandis que le sage voit dans la femme aimable un rayon de Dieu, et dans le corps féminin une image de la Puissance créatrice. Le soufisme, voile et quintessence, p. 62, note 19.

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