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DEFINITIONS DE QUELQUES NOTIONS ET TERMES RELEVES

DANS L’ŒUVRE DE FRITHJOF SCHUON

Schuon, le plus grand métaphysicien du XXème Siècle, a excellé dans la rectitude et la précision des notions et des termes qu’il nous a livrés dans son œuvre. La plupart de ces notions se trouvent surtout dans son livre : « Logique et Transcendance », livre qu’il considérait être de première importance pour ceux qui s’intéressent à la vérité et à son actualisation. Nous relèverons, en outre, d’autres définitions dans quelques autres œuvres.

1. La Sophia Perennis : c'est connaître la Vérité totale et, par voie de conséquence, vouloir le Bien et aimer la Beauté ; et cela conformément à cette Vérité, donc en pleine connaissance de cause. La Sophia doctrinale traite du Principe divin d'une part et de sa Manifestation universelle d'autre part : donc de Dieu, du monde et de l'âme, en distinguant dans la Manifestation entre le macrocosme et le microcosme ; ce qui implique que Dieu comporte en lui-même - extrinsèquement tout au moins - des degrés et des modes, c'est-à-dire qu'il tend à se limiter en vue de sa Manifestation. C'est là tout le mystère de la divine Mâyâ...

2. Le Bien : c'est a priori le Principe suprême en tant que quintessence et cause de tout bien possible ; et c'est a posteriori, d'une part ce qui dans l'Univers manifeste le Principe, et d'autre part ce qui ramène à celui-ci ; En un mot, le Bien est tout d'abord Dieu lui-même, ensuite la "projection" de Dieu dans l'existence, et enfin la "réintégration" de l'existencié en Dieu...

3. La Beauté : elle relève de l'Infinitude, laquelle coïncide avec la divine Félicité envisagée sous ce rapport, Dieu est Beauté, Amour, Bonté et Paix, et il pénètre tout l'Univers par ces qualités. La Beauté, dans l'Univers, est ce qui révèle la divine Infinitude : toute beauté créée nous communique quelque chose d'infini, de béatifique, de libérateur. L'Amour, qui répond à la Beauté, est le désir d'union, ou l'union elle-même...

4. La Bonté : elle, est le rayonnement généreux de la Beauté ; elle est à celle-ci ce que la chaleur est à la lumière. Étant Beauté, Dieu est par-là même Bonté et Miséricorde; nous pourrions dire aussi que dans la Beauté, Dieu nous prête quelque chose du Paradis ; le beau est messager, non seulement d'Infinitude et d'Harmonie, mais aussi, comme l'arc-en-ciel, de réconciliation et de pardon. À un tout autre point de vue, la Bonté et la Beauté sont les aspects respectivement "intérieur" et "extérieur" de la Béatitude, alors qu'au point de vue de notre précédent distinguo, la Beauté est intrinsèque en tant qu'elle relève de l'Essence, tandis que la Bonté est extrinsèque en tant qu'elle s'exerce sur les accidents, à savoir les créatures. Dans cette dimension, la Rigueur, laquelle relève de l'Absolu, ne saurait être absente : intrinsèquement, elle est la pureté adamantine du divin et du sacré ; extrinsèquement, elle est la limitation du pardon, due au manque de réceptivité de telles créatures. Le monde est tissé de deux dimensions majeures, la rigueur mathématique et la douceur musicale ; les deux s'unissant dans une homogénéité supérieure qui relève de l'insondable Être même de la Divinité.

En réalité, la gnose est essentiellement la voie de l’intellect et, partant, de l’intellection : le moteur de la voie est avant tout, l’intelligence, non la volonté et le sentiment. La gnose se caractérise par son recours a la métaphysique pure : distinction entre Âtmâ et Mâyâ et conscience de l’identité potentielle entre le sujet humain, jivâtmâ, et le Sujet divin, Paramâtmâ. La voie comporte, d’une part, la « compréhension » et, d’autre part, la « concentration »; donc la doctrine et la méthode.

Quant au gnosticisme, qu’il se produise en climat chrétien, musulman ou autre, c’est un tissu de spéculations plus ou moins délirantes d’origine souvent manichéenne et c’est une mythomanie qui se caractérise par un mélange dangereux de concepts exotériques et ésotériques. Sans doute, il y a là des symbolismes qui ne manquent pas d’intérêt – le contraire serait étonnant – mais on dit que « le chemin vers l’enfer est pavé de bonnes intentions », on pourrait dire tout autant qu’il est pavé de symbolismes.

5 L’Esotérisme : Peut être défini soit sous son aspect doctrinal, soit sous son aspect méthodique. Le premier concernant la Vérité perçue par l’intelligence, le second la voie vécue par l’âme et la volonté. Dans son expression doctrinale la plus directe l’ésotérisme est un discernement fondamental entre la Réalité absolue et infinie et les réalités relatives. La notion d’ésotérisme évoque beaucoup moins la supériorité intellectuelle que la totalité de la vérité et les droits imprescriptibles de l’intelligence toujours dans le climat d’un rapport humain, donc vécu avec le ciel.

Il n’y a pas de connaissance sans objectivité de l’intelligence, or l’ésotérisme par ses interprétations, ses révélations et ses opérations intériorisantes et essentialisantes, tend à réaliser l’objectivité pure ou directe. Le mot « ésotérisme »- selon son étymologie désigne la gnose en tant qu’elle est de facto sous-jacente des doctrines religieuses, donc dogmatiques.

La doctrine métaphysique ou ésotérique s’adresse à une autre subjectivité que le message religieux général : celui-ci parle à la volonté, et à l’homme passionnel, et celle-là, à l’intelligence et à l’homme contemplatif.
L’aspect intellectuel de l’exotérisme est la théologie, tandis que l’aspect émotionnel de l’ésotérisme est le sens de la beauté en tant qu’elle possède une vertu intériorisante; beauté de la nature et de l’art et aussi, et même avant tout, beauté de l’âme, projection lointaine de la Beauté de Dieu.

6 Mystique et mysticisme : Ces termes désignent tout contact intérieur et non exclusivement mental, avec les réalités indirectement ou directement divines ; ces mots évoquent avant tout, une spiritualité d’amour. L’association d’idées avec « l’irrationnel » est évidemment abusive; l’intuition spirituelle n’est pas irrationnelle, elle est supra-rationnelle.

7 Occultisme : le terme « occulte » tire son origine des vires occultae, c'est-à-dire des forces invisibles de la nature et des occulta, des secrets relevant des anciens mystères. En fait l’occultisme moderne se réduit grosso modo à l’étude des phénomènes extra-sensibles, étude de plus aléatoires en raison de son caractère, tout empirique et de l’absence précisément de toute doctrine de base. L’occultisme s’étend de l’expérimentation pure et simple jusqu’aux spéculations et pratiques pseudo-religieuses ; de là à qualifier « d’occultisme » toute ou méthode authentiquement ésotérique, il n’y a qu’un pas, qui a été franchi par ignorance, indifférence ou négligence, et sans scrupule, ni vergogne par ceux qui ont intérêt à une semblable dépréciation. C’est comme si l’on qualifiait les vrais mystiques d’occultistes sous prétexte qu’eux aussi s’occupent de l’invisible.

8 Syncrétisme : Ce mot, qui signifie une combinaison de plusieurs systèmes de pensées, et une fusion de plusieurs éléments culturels hétérogènes, a été appliqué à tort et à travers à tout savoir spirituel rendant compte, à la lumière perçue directement de notions appartenant à des traditions diverses ; or autre chose est de fabriquer une doctrine en assemblant tant bien que mal des idées éparses et autre chose est de reconnaître la Vérité une dans des doctrines diverses.

9 Le Relativisme réduit tout élément d’absoluité à la relativité, en faisant une exception parfaitement illogique avec cette réduction même : Il consiste même à déclarer qu’il est vrai qu’il n’y a pas de Vérité, ou qu’il est absolument vrai qu’il n’y a que du relativement vrai. L’axiome du relativisme est « qu’on ne peut jamais sortir du subjectif humain », cependant l’animal vit sa subjectivité, mais ne la conçoit pas puisqu’il n’a pas comme l’homme le don de l’objectivité. Toute idée se trouve réduite à une relativité soit psychologique, soit historique, soit sociale. Le relativisme engendre l’esprit de révolte lequel est une maladie dirigée contre le ciel.

Le Relativisme Moral est proprement odieux, parce que si vous dites que Dieu et l’au-delà sont réels, c’est que vous êtes lâche, ou malhonnête, ou infantile ou honteusement anormal; si vous dites que la religion n’est qu’une tromperie, c’est que vous êtes courageux, honnête, sincère, adulte tout à fait normal. Si tout cela était vrai, l’homme ne serait rien, il ne serait capable ni de véracité ni d’héroïsme ; et il n’y aurait personne pour le constater, car on n’extrait pas un héros d’un lâche, ni un sage d’un faible d’esprit, même pas par « évolution ».

10. La Psychanalyse : élimine les facteurs transcendants essentiels à l’homme et ensuite remplace les complexes d’infériorité ou de frustration par des complexes d’aisance et d’égoïsme, elle permet de pécher calmement, avec assurance, et de se damner avec sérénité. La psychanalyse a réussi à pervertir l’intelligence, en donnant lieu à un « complexe psychanalytique » qui corrompt tout. S’il est possible de nier l’absolu de bien des façons, le relativisme psychologiste et existentialiste le nie dans l’intelligence même; celle-ci se fait pratiquement dieu, mais au prix de tout ce qui fait sa nature propre, sa valeur, son efficacité; elle devient « adulte » en se détruisant.

Le Relativisme Psychologiste et Existentialiste, lequel par définition donne toujours raison à l’ego brut, cet état d’esprit est la norme, c’est son absence qui est la maladie d’où l’abolition du sens du péché.

11. Le Relativisme Historique a pour conséquence le suivant : du moment que toute pensée humaine a forcément lieu à un moment donné – non quant au contenu mais quant au processus mental – toute pensée n’aurait qu’une valeur relative, elle serait « désuète » et « dépassée » dés sa naissance, ce ne serait donc plus la peine de penser, puisque l’homme ne peut sortir de la durée. Le relativisme appliqué aux faits traditionnels est somme toute l’erreur de confondre des éléments statiques avec des éléments dynamiques; on parle « d’époques » ou de « styles » et on oublie que ce dont il s’agit est la manifestation de données objectives et stables, donc définitives à leur manière.

12. Le Relativisme Social ne demandera pas s’il est vrai que deux et deux font quatre, il demandera de quel milieu vient celui qui l’affirme ; toujours sans se rendre compte que si le milieu détermine la pensée et prime la vérité, il le fait dans tous les cas, c'est-à-dire que tout milieu détermine la pensée et toute pensée est déterminée par un milieu.

13. L’Etre : La notion d’Etre est, soit un reflet relativement direct de l’Etre dans l’intelligence pure, soit une trace indirecte de l’Etre dans la raison. La conscience de l’Etre est « quelque chose de l’Etre » parce qu’elle capte un rayon, elle est donc bien autre chose qu’une opération rationnelle. L’Etre donc, est abstrait de deux façons, en tant qu’il se cache, premièrement derrière les phénomènes et deuxièmement derrière les conclusions rationnelles, mais qu’il est concret en soi, et qu’il l’est également en tant que perception participative de l’intellect.

14. La Liberté est la conscience d’une diversité illimitée de possibilités et cette conscience est un aspect de l’Etre- même. La liberté est une essence immuable à laquelle les créatures peuvent participer ou ne pas participer et que telle expérience de liberté n’est qu’un « accident ».
Donc en termes positifs, la liberté est la possibilité de se manifester pleinement, ou d’être parfaitement soi-même, et cette possibilité – ou cette expérience - traverse l’univers comme une béatitude réelle donc concrète, à laquelle les êtres aminés participent suivant leurs natures ou leurs destins.

15. Le Péché : Le sens du péché est la conscience d’un équilibre qui dépasse notre vouloir personnel et qui, tout en nous blessant éventuellement, est finalement pour le bien de notre personnalité intégrale et de celui de la collectivité. Ce sens du péché est solidaire du sens du sacré, l’instinct de ce qui nous dépasse et qui de ce fait ne doit pas être touché avec des mains ignorantes et iconoclastes. Mais à un autre point de vue, le péché –l’acte contraire à l’harmonie universelle et à la nature profonde des choses – nous transforme en substance parce qu’il nous enferme et nous pénètre, nous absorbe de sa propre substance pervertie.

16. Le rationaliste : est rationaliste, non celui qui raisonne adéquatement en fonction de l’intelligence totale et supralogique et en fonction des données nécessaires, - d’origine traditionnelle pour autant qu’il s’agit de choses échappant à l’expérience vulgaire, - mais au contraire celui qui croit résoudre tout problème, et serait-ce en le niant au moyen de la seule logique et sur la base de n’importe quel fait arbitrairement exploité. Aussi donne-t-il la primauté à la raison contre l’intellection et la Révélation toutes deux accusées « d’irrationnelles ».

17. La Révélation est une sorte d’intellection cosmique tandis que l’intellection personnelle est comme une Révélation à l’échelle du microcosme. La source de notre connaissance de Dieu est à la fois l’Intellect et la Révélation.

18. Etre Objectif : Etre parfaitement objectif c’est un peu mourir, soit dans la mesure même où l’enjeu est élevé soit simplement dans la mesure où l’âme est un peu disposée à telle impartialité. (mourir à soi-même).

19. La Substance : La Substance, ce tissu divin où les choses sont en Dieu et où Dieu est dans les choses, avec une sorte de continuité discontinue ( ellipse paradoxale). Cette notion de la Substance fournit la clef des mystères eschatologiques tels que le jugement Dernier et la résurrection de la chair : L’Existence formelle – donc à la fois matérielle et animique – est comme une substance desséchée et devenue trop compacte, et la venue finale de Dieu est comme une pluie qui fait éclore les germes.
Entre la substance et l’accident il y a une sorte de continuité – « toute chose est Atmâ » - la substance est comparée à l’eau et l’accident aux gouttes. La notion de substance est plus proche de celle d’infini ; aussi il y a dans la substance un aspect de féminité.

Le rapport « substance – accident » se manifeste d’une façon patente sur le plan de la pensée : Il y a la pensée déséquilibrée et contraire à l’Etre, comme il y a la pensée équilibré et conforme à la Substance ontologique dont elle surgit.

20. L’Essence : revient vers la forme. On pourrait comparer « essence-forme » au noyau et au fruit. La notion d’Essence est plus proche de celle d’absolu Dans l’Essence il y a un aspect de masculinité. Entre Essence et les formes il n’y a pas de continuité.

21. L’Evolutionnisme : est un succédané de l’émanationisme traditionnel et consiste à nier le rapport périphérie – centre, donc la réalité même du centre émanotionniste et du rayon qui y mène et à vouloir situer tout rapport hiérarchique sur la courbe qui marque la périphérie : au lieu de monter en partant du plan corporel et en traversant le plan animique, vers les réalités d’abord supraformelles et ensuite principielles ou métacosmiques, on imagine une hiérarchie évolutive allant de la matière, à travers la vie végétale et animale, jusqu’à la conscience humaine, elle-même considérée comme une sorte d’accident transitoire.

22. La Relativité Divine ou Mâyâ : Notion essentiellement métaphysique qui nous aide à comprendre qu’il n’y a aucune incompatibilité entre « l’Absolu absolu ». Le Sur-Etre, et « L’Absolu relatif » L’Etre créateur et que cette distinction est cruciale. La divine Mâyâ (notion Védantine) la Relativité, est la conséquence nécessaire de l’infinité même du Principe : c’est parce que Dieu est infini qu’Il comporte la dimension de la relativité, et c’est parce qu’Il comporte cette dimension qu’Il manifeste le monde.

23. Doctrine de Mâyâ : La clef de cette doctrine est en somme que l’infinitude exige par définition la dimension du fini. C’est celle-ci qui, tout en manifestant « glorieusement » les inépuisables possibilités du divin Soi, les projette jusqu’aux confins du néant, si l’on peut s’exprimer ainsi ; le néant « n’est » pas, mais il « apparaît » en fonction du réel qui se projette en direction du fini. Or s’éloigner du divin Principe, c’est être « autre que lui » tout en demeurant forcément en lui, puisque lui seul est la Réalité ; ce qui signifie que le monde comporte forcément d’une manière relative puisque le néant n’existe pas, cette privation de réalité ou de perfection que nous appelons le « mal ».

24. Le Mal n’est que dans ce qui est privatif ou négatif par rapport au bien ; et sa fonction est de manifester, dans le monde, l’éloignement par rapport au principe, et de concourir à un équilibre et à un rythme exigé par l’économie de l’univers crée. Ainsi le mal, tout mal qu’il est quand on le regarde isolément, s’insère dans un bien – et se dissout en tant que mal – quand on le regarde dans son contexte cosmique et dans sa fonction universelle.

25. La Morale nous fait distinguer un « bien » et « un mal ». Est considéré comme bien, 1. Ce qui est conforme à l’Attraction divine 2. Ce qui est conforme à l’équilibre universel et 3. Ce qui entraîne un résultat positif pour la destinée ultime de l’homme.
Est considéré comme mal ce qui est contraire à l’Attraction et à l’équilibre et produit un résultat négatif.

La Morale a deux sources, la Loi révélée et la voix de la conscience. La loi telle le Décalogue, a en vue l’Attraction et l’Equilibre. La conscience, elle, tient naturellement compte de l’intérêt légitime du prochain, ou de la collectivité et en même temps de l’intérêt de l’âme en face de Dieu – c'est-à-dire que la conscience de l’homme normal – laquelle est en même temps déterminée par une Loi Sacrée – est fondée sur l’évidence que « l’autre » est lui aussi un « moi » et que notre « moi » est lui aussi un « autre » évidence efficace dans la mesure où l’homme est impartial et généreux ; mais il y a aussi, et plus fondamentalement, l’évidence que l’homme n’a pas sa fin en lui-même, qu’il dépend, comme le monde entier, d’une cause qui détermine tout et qui est la mesure de tout, à laquelle nous ne pouvons échapper, et dont nous ne pouvons que nous rapprocher pour notre bonheur ou nous éloigner pour notre perte.

26. La Subjectivité du Devoir traduit une réalité objective, à savoir la nécessité dans laquelle se trouve la créature douée du libre-arbitre de se conformer à ce qui lui assigne directement ou indirectement l’Equilibre universel.

27. La Noblesse : c’est la conformité naturelle de la volonté et la sensibilité aux exigences de l’Equilibre et de l’Attraction – c’est voir les choses de « haut » et sans aucune bassesse – et l’honneur c’est l’obligation sociale de ne jamais trahir cette attitude, ou de ne pas trahir la confiance qui a été placée en nous au nom de notre élévation ; d’où l’adage que « noblesse oblige ». Etre noble, c’est sacrifier l’intérêt à la vérité, donc au « devoir » qu’elle définit d’où aussi la notion « d’honneur ».
La noblesse englobe toutes les vertus essentielles, à commencer par l’impartialité vis-à-vis de soi-même et la générosité à l’égard d’autrui.

28. La Notion « d’Amour de Dieu » évoque l’image d’un sentiment adressé à une personne humaine, image qui semble contredire le caractère spirituel et quasi-surnaturel d’une part et de l’amour contemplatif d’autre part ; mais il n’y a en réalité aucune contradiction, d’abord parce que Dieu assume effectivement, à l’égard de l’homme un aspect humain, - suivant l’opportunité et sans se limiter à cet aspect et ensuite, parce que la spiritualité, du moment qu’elle est humaine, englobe forcément la puissance affective de l’âme, quelle que soit la place ou la fonction qu’elle lui assigne. Quand nous faisons abstraction d’une part de l’humanisation légiférante et miséricordieuse de la Divinité, et d’autre part de la canalisation spirituelle de la sensibilité humaine, nous verrons que « l’amour de Dieu » n’a en lui-même rien de limitatif quant à l’objet, ni de sentimental quant au sujet, car il n’est autre, dans sa nature essentielle, que notre parole évangélique : « Le royaume des cieux est au-dedans de vous ».

29. La Foi implique toutes les qualités statiques et douces, telles la patience, la gratitude, la confiance, la générosité. La foi en tant que qualité de l’âme est le complément stabilisateur de l’intelligence discernante et en quelque sorte explosive. On peut donc spéculer à longueur de vie sur le supra-sensoriel et le transcendant, mais ce qui importe c’est le « saut dans le vide » qu’est la fixation de l’esprit et de l’âme dans une dimension impensable du Réel ; ce saut qui interrompt et achève la chaîne en principe illimitée de formulations, dépend d’une compréhension directe et d’une grâce. Ce « saut dans le vide » c’est la Foi.

30. Le Maître Spirituel représente et transmet en effet premièrement une réalité d’être (Sat) deuxièmement une réalité d’intelligence ou de vérité (Chit) et troisièmement une réalité d’amour, d’union, de félicité (Ananda) ( ternaire védantin : Sat-Chit-Ananda).

Il doit donc réaliser le ternaire « être » « discernement » « concentration » : par être, il faut entendre la « substance nouvelle » (l’homme nouveau qu’il faut revêtir). Par « discernement », il faudrait entendre la vérité qui distingue entre le Réel et l’illusion ou entre Atmâ et Mâyâ et par « concentration », il faut entendre la méthode qui permet au contemplatif « consacré » de se fixer mentalement et ensuite avec le centre de son être, sur le Réel dont nous portons l’évidence en nous-mêmes !
C’est cette fixation qui, étant une réalité d’union, donc « d’amour » et de « béatitude » correspond analogiquement et participativement à l’élément « Ananda » du ternaire védantin.

31. Les images sacrées : La fonction véritable des images sacrées est objectivement de représenter symboliquement et sacramentalement une Réalité transcendante et subjectivement de permettre la fixation du mental sur ce symbole en vue de l’obtention d’une concentration habituelle sur la Réalité envisagée, ce qui se peut se concevoir en mode dévotionnel, aussi bien qu’en mode intellectuel ou des deux manières à la fois.

32. Le Nom de Dieu est « Saint », non parce qu’il est un mot qui se réfère à Dieu, mais parce qu’il a été révélé par Dieu lui-même et qu’il véhicule de ce fait quelque chose de la divine Puissance ; Il est salvateur parce que c’est un don céleste et qui sauve réellement : Premièrement, il contient l’Absoluité divine qui est exclusive et deuxièmement et plus directement qu’il contient la divine Infinitude, qui est inclusive, et qui inaugure le troisième aspect que le Nom véhicule et transmet le plus directement la Miséricorde qui est attractive.

33. Le libre-arbitre : L’Intelligence capable d’absolu, comporte nécessairement le libre arbitre ; la volonté est libre dans la mesure où l’intelligence est totale ; or celle-ci est totale chez l’homme comme tel, indépendamment de ses obscurations accidentelles ; autrement dit tout homme sain d’esprit possède le sens de l’Absolu à un degré suffisant pour pouvoir faire usage de sa volonté en vue de la « seule chose nécessaire ». Si l’objet normal et ultime de l’intelligence est le Principe, l’Absolu, l’Infini, l’objet normal de la volonté sera ce qui est conforme à cette suprême Réalité. C’est dire que la fonction fondamentale ou quintessentielle de l’esprit est d’une part le discernement entre le Réel et l’illusoire et d’autre part la concentration contemplative sur le Réel ; ou en d’autres termes : La vérité et l’union. La liberté de la volonté implique la possibilité du faux choix et, par conséquent de l’obscuration passionnelle de l’intelligence, car qui choisit l’illusion a intérêt à y trouver son bonheur, et l’homme devient ce qu’il choisit. Qui dit intelligence totale dit liberté et qui dit liberté dit possibilité d’erreur; d’où la chute et la nécessité de la Révélation qui, elle, restitue la « Parole perdue ».

34. La Doctrine métaphysique : tient en ces mots :

- Absoluité ou Réalité exclusive.
- Infinité ou Réalité inclusive.
- Bonté ou Substance libératrice.
- Révélation ou Manifestation obligeante.

L’Absoluité en tant que Réalité extrinsèquement contractive, comporte nécessairement un aspect compensatoire de nature expansive, à savoir l’Infinité. Or, l’Infinité, qui inclut tout, exige une dimension apparemment négative, à savoir la Manifestation créatrice, laquelle est positive en tant qu’elle exprime l’Absolu, mais qui n’en est pas moins privative en vertu de la relativité de sa nature et de ses productions. La Manifestation créatrice exige à son tour les Manifestations salvatrices à savoir les Prophètes et les Révélations ; et ces Manifestations démontrent une nouvelle Hypostase, à savoir la Bonté essentielle de la Réalité divine.

- Infinité en fonction de l’Absoluité.
- Manifestation créatrice en fonction de l’Infinité.
- Manifestation Salvatrice en fonction de l’Infinité également, mais aussi et par-là même, en fonction de la Bonté essentielle inhérente à l’Infini :
- C’est avec la Miséricorde libératrice qui ramène à l’Absolu, que se clôt le cercle du Déploiement divin.

35. La Métaphysique : vise en premier lieu la compréhension de l’univers total, lequel s’étend de l’Ordre divin jusqu’aux contingences terrestres – C’est la réciprocité « d’Atmâ » et de « Mâyâ « - ( notion védantine) mais elle offre par surcroît des ouvertures intellectuellement moins exigeantes, mais humainement cruciales ; ce qui est d’autant plus important que nous vivons dans un monde où l’abus de l’intelligence remplace la sagesse.

Le rayonnement créateur coïncide avec le mystère de la Mâyâ tout court, laquelle englobe à son sommet le Principe existenciant. Le monde entier est Mâyâ, mais Mâyâ n’est pas entièrement le monde; l’Essence divine, le « Sur-Etre » se réverbère dans la Relativité en donnant lieu à la Personne divine, à « l’Etre » Créateur (c'est-à-dire que le Dieu personnel relève de Mâyâ dont il est le centre ou le sommet – sans quoi il ne saurait être un interlocuteur pour l’homme).

Mâyâ n’existe que par ses contenus qui prolongent « Atmâ » c'est-à-dire qu’Atmâ est convenable sans Mâyâ, tandis que celle-ci n’est intelligible qu’au travers de la notion d’Atmâ.

1. Au degré suprême de la Réalité – Atmâ ou Brahmâ (Divinité ) – aucune Mâyâ « n’est » ou « n’existe » la question des dualités des oppositions, du bien et du mal, ne saurait par conséquent se poser.

2. Au degré de la Mâyâ métacosmique, les oppositions complémentaires s’affirment, Dieu est à la fois Rigueur et Douceur, Justice et Miséricorde, Puissance et Beauté – Mais la contingence et avec elle le mal, sont absents.

3. Ce n’est qu’au degré de la Mâyâ cosmique – ce tissu mouvant de circonstances et d’antinomies – que les « vices existentiels » peuvent se produire à la fois « en Dieu » et « en dehors de Dieu » : « en Dieu » en ce sens que tout possible relève forcément de la Toute – Possibilité, et « en dehors de Dieu » parce que le Souverain Bien ne saurait contenir que les possibilités archétypiques, qui par définition sont positives puisqu’elles décrivent les potentialités du pur Etre. Atmâ est devenu Mâyâ, afin que Mâyâ devienne Atmâ.

36. La Doctrine de la Trinité : Le Christianisme se fonde sur l’idée – et la réalité – de la Manifestation divine. En tant que religion et non une doctrine sapientielle, il doit tout englober dans son idée fondamentale de Manifestation, il faut donc que l’Absolu lui-même soit envisagé exclusivement en fonction de cette dernière ; d’où la doctrine trinitaire, non seulement en soi mais aussi sous sa forme théologique, donc totalitaire et exclusive.

La Trinité s’affirme sur 3 plans que l’exotérisme confond vu son souci de synthèse simplificatrice et d’opportunité psychologique à l’égard de telles tendances ou faiblesses humaines.

Le 1er plan est donc l’Essence même, où la Trinité est réelle puisque l’Essence ne comporte aucune privation, mais indifférenciée puisque l’Essence ne comporte aucune diversité ; sous ce rapport, on pourrait dire que chaque Personne ou chaque Qualité – Principe est l’autre.

Le 2ème plan est celui de la Relativité divine de l’Etre Créateur, du Dieu personnel : ici les trois Qualités – Principe se différencient en Personnes ; l’une n’est pas l’autre.

Le 3ème plan déjà cosmique, mais néanmoins encore divin au point de vue humain qui, lui détermine la théologie et c’est le Centre lumineux du cosmos, la « Triple Manifestation » (Trimûrti) de la doctrine Hindoue. Ici également la Trinité est présente, rayonnante et agissante.

37. Récapitulatif :
Le 1er plan métaphysique est Essence ou Absolu.
Le 2ème est la Personnalité diversifiée ou la Relativité métacosmique.
Le 3ème plan est la Personnalité diversifiée et manifestée ou la Relativité cosmique, mais néanmoins encore divine, donc principielle et centrale.

Ces trois plans correspondent eux aussi respectivement aux 3 hypostases, chaque plan comportant à son tour et à sa manière le ternaire.

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Conclusion :

On se sent comme soulagé, à la fin de la lecture de ces chapitres, de tout un fatras de théories qui sont enfin révélées sous leur vrai jour. « Connaissez la Vérité, dit l’évangile, et la Vérité vous rendra libre ». C’est ce sentiment de liberté et de fraîcheur renouvelée qui se dégage dans l’esprit du lecteur, enfin prêt à voir les choses objectivement et à en vivre en toute liberté, précisément.

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