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Le védantisme moderne,

... certains védantistes modernes soutiennent ... que [l'état de rêve et l'état de veille] n'ont aucun rapport l'un avec l'autre, que l'égo du rêve n'est pas du tout celui de la veille, que les deux états sont des systèmes clos et qu'il est abusif de prendre la conscience éveillée comme point de référence par rapport à la conscience onirique (1); et que, par conséquent, celle-ci n'est aucunement inférieure ou moins réelle que celle-là (2).

(1) Comme Kant, un Siddheswarânanda semble croire que ses propres expériences limitent celles des autres.


(2) D'aucuns sont même allés jusqu'à prétendre que le rêve est supérieur à la veille puisqu'il comporte des possibilités que le monde physique exclut, comme si ces possibilités n'étaient pas purement passives, et comme si la réalité objective, et décisive, de l'état de veille ne compensait pas infiniment la possibilité onirique de s'élever dans les airs ; ou encore, comme si on ne pouvait pas rêver tout aussi bien d'être privé de mouvement.

Cette opinion extravagante et pseudo-métaphysique se trouve contredite, premièrement, par le fait qu'en nous réveillant, nous nous souvenons de notre rêve et non de celui de quelqu'un d'autre ; deuxièmement, par le fait que le caractère inconsistant et fluide des rêves d'une part prouve leur subjectivité, leur passivité et leur accidentalité ; troisièmement, par le fait que nous pouvons parfaitement nous rendre compte, dans le rêve, que nous rêvons, et que c'est bien nous qui rêvons et non un autre. La preuve en est qu'il arrive que nous nous réveillions par notre propre volonté quand le développement du rêve nous inquiète ; par contre nul ne songera à faire un effort pour sortir de l'état de veille - quelque soit le désagrément de la situation - pour se réveiller dans un état paradisiaque, où l'on se persuaderait qu'on est sorti d'un accident de l'imagination personnelle, alors qu'en réalité le monde terrestre continue à être ce qu'il est. L'univers est une illusion par rapport au Principe, certes, mais sur le plan de la relativité, le monde objectif n'est pas une illusion par rapport à telle subjectivité. (L'ésotérisme comme principe et comme voie, p.211-212).

Si l'opinion qui confond inconditionnellement les états de veille et les états de rêve était juste et si ces deux états étaient équivalents sur le plan même de la relativité, - alors qu'en réalité ils ne le sont qu'au regard de l'Absolu, - il serait indifférent d'être un sage qui rêve d'être un sot, ou un sot qui rêve d'être un sage. (Sentiers de gnose, p. 80).

L'ambiguïté de facto de cette question [Qui est le sujet ?] s'explique quelque peu par le fait que les Hindous, qui savaient de quoi il s'agit, n'ont jamais pris soin, dans leurs exposés volontairement elliptiques et centrés sur l'essentiel, de donner des précisions qui leur semblaient sans objet ; mais il ne faudrait pas prendre les synthèses dialectiques pour des simplifications et tirer de la doctrine de l'illusion des conclusions absurdes, dont les anciens Védantins n'ont de toute évidence pu donner l'exemple, sous peine d'être de vulgaires solipsistes. Schopenhauer avait tort de croire le solipsisme logiquement irréfutable, mais il avait raison de déclarer les solipsistes mûrs pour l'asile d'alénés. (Sentiers de gnose, p. 74, note 1).

Un monde est ... un rêve collectif et pourtant homogène, les éléments constitutifs de ce rêve étant évidemment des compossibles. Les subjectivistes qui s'inspirent faussement de la doctrine hindoue oublient volontiers que le monde n'est nullement l'illusion d'un individu singulier ; en réalité, il est une illusion collective à l'intérieur d'une autre illusion collective, celle du cosmos total. (L'oeil du coeur, p. 15, note 6).

Le "subjectivisme" pseudo-védantin - qui est en réalité du solipsisme - est incapable de rendre compte de l'homogénéité objective de l'ambiance cosmique. (Perspectives spirituelles et faits humains, p. 145).

Prâjnâ étant la synthèse des cinq autres pâramitâs, le Mahâyâna se réduit en principe à prajnâ, c'est-à-dire que l'union intérieure avec le "Vide" transcendant pourrait en principe suffire comme viatique spirituel ; mais en fait la nature humaine est contraire à l'unité et à la simplicité, la méthode de régénération devra donc tenir compte de tous les aspects de notre emprisonnement samsârique, d'où la nécessité d'une voie qui, tout en présentant d'emblée un élément d'unité et de simplicité, va du multiple à l'un et du complexe au simple (3).(Forme et substance dans les religions p. 123.)

(3) C'est ce que ne veulent pas comprendre - soit dit en passant - les pseudo-zénistes ni les pseudo-védantistes, qui s'imaginent pouvoir escamoter notre nature par des réductions mentales aussi prétentieuses qu'inefficaces.

Si "nul n'arrive au Père si ce n'est par moi", c'est que le "Moi" comme telle possède une virtualité salvatrice et unitive; toute subjectivité en tant que telle est en principe une porte vers sa propre Essence transpersonnelle(1). [Racines de la condition humaine, p.80]

(1) C'est en ce sens qu'un Râmana Maharshi a pu réduire tout le problème de la spiritualité à la seule question : "Qui suis-je?" Ce qui ne signifie pas -- comme d'aucuns se l'imaginent -- que cette question puisse constituer une voie; elle indique, d'une part l'état incommunicable du Maharshi, et d'autre part le principe de la subjectivité spirituelle, de la participation progressive au pur Sujet à la fois immanent et transcendant.

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