Science et foi religieuse

Il n’y a certes pas lieu d’admirer une science qui dénombre les insectes et les atomes et qui ignore Dieu ; qui fait profession de l’ignorer tout en revendiquant une omniscience de principe. A noter que le scientiste, comme tout autre rationaliste, ne se fonde pas sur la raison en soi : il appelle « raison » son manque d’imagination et de science et ses ignorances sont pour lui des « données » de la raison. Le soufisme, voile et quintessence p. 107 Note 12.

La science moderne a eu pour effet, entre autres, de blesser mortellement la religion, en posant concrètement des problèmes que seul l’ésotérisme peut résoudre, et que rien ne résout en fait puisque l’ésotérisme n’est pas écouté, et ne l’est moins que jamais.

En face de ces problèmes nouveaux, la religion est désarmée, et elle emprunte maladroitement et en tâtonnant les arguments de l’adversaire, ce qui l’oblige à fausser insensiblement sa propre perspective et à se renier de plus en plus ; sa doctrine n’est pas atteinte, certes, mais les fausses opinions empruntées à ses négateurs la rongent sournoisement « de l’intérieur », témoin l’exégèse moderne, l’aplatissement démagogique de la liturgie, le darwinisme teilhardien, les « prêtres ouvriers », et l’« art sacré » d’obédience surréaliste et « abstraite ».

Les découvertes scientifiques ne prouvent rien contre les positions traditionnelles de la religion, bien entendu, mais personne n’est là pour le montrer ; trop de croyants estiment au contraire que c’est à la religion de « secouer la poussière des siècles », c’est à dire de se « libérer » de tout ce qui fait — ou manifeste — son essence ; l’absence de connaissances métaphysiques ou ésotériques d’une part et la force suggestive émanant des découvertes scientifiques et aussi des psychoses collectives d’autre part, font de la religion une victime presque sans défense, une victime refusant même dans une large mesure d’utiliser les arguments dont elle dispose.

Il serait pourtant facile, au lieu de glisser dans les erreurs d’autrui, de démontrer que le monde fabriqué par le scientisme tend partout à faire du moyen une fin et de la fin un moyen, et qu’il aboutit, soit à une mystique d’envie, d’amertume et de haine, soit à un matérialisme béat et niveleur; que la science, bien que neutre en elle-même — car les faits sont les faits —, est pourtant une semence de corruption et d’anéantissement dans les mains de l’homme qui en moyenne n’a pas une connaissance suffisante de la nature profonde de l’Existence pour pouvoir intégrer — et par là neutraliser — les faits scientifiques dans une vue totale du monde ; que les conséquences philosophiques de la science impliquent des contradictions foncières; que l’homme n’a jamais été aussi mal connu et aussi mésinterprété qu’à partir du moment où on le passa aux « rayons X » d’une psychologie fondée sur des postulats radicalement faux et contraires a sa nature. Regards sur les mondes anciens, p.46-47.

 

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